- في أهمية التقسيم الإقليمي ومقوماته
Posté par amorbelhedi le 14 février 2024
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Posté par amorbelhedi le 14 février 2024
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Posté par amorbelhedi le 1 janvier 2024
Le découpage régional en Tunisie : Nécessité, pertinence, enjeux
Communication Colloque international « Décentralisation et démocratie locale en Tunisie : quel avenir ? «
Département de droit public & Unité de Recherche Droit et Gouvernance
Faculté de Droit & des Sciences Politiques de Tunis, Université Tunis El Manar
7-8 décembre 2023
Le découpage régional en Tunisie : Nécessité, pertinence, enjeux
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Posté par amorbelhedi le 13 mars 2017
Maillage administratif régional et régionalisation en Tunisie.
Continuité et rupture
Revue Tunisienne de Géographie, 2016, n° 44-45, pp.51-88
Article RTG 2016/n° 45-45, pp.51-88
La pagination ici (57-98) est différente de la version papier publiée dans la Revue (51-88)
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Posté par amorbelhedi le 9 mai 2016
Le développement régional et local en Tunisie. Défis et enjeux
Développement régional et local. DEP 2 Présentation Powerpoint au Colloque
Communication au Colloque du Laboratoire LESOR, IRA (Médenine), Zarzis 2-5 mai 2016
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Posté par amorbelhedi le 18 avril 2016
« Régionalisation et maillage en Tunisie« . Amor Belhedi
Communication au Colloque international « Maillages territoriaux, démocratie et élection »
Syfcate (Univ Sfax), Riate (Univ Paris Diderot), Idees (Univ Rouen)
Monastir 15 – 16 janvier 2016, Tunisie, Hôtel Sentido Rosa Beach Monastir, vendredi 15 janvier 2016
Régionalisation et maillage en Tunisie
Présentation Powerpoint
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Posté par amorbelhedi le 4 février 2016
Aménagement du territoire et régionalisation dans une Tunisie en pleine transition démocratique
Global-Local Forum Newsletters 8, 04 février 2016
http://www.global-local-forum.com/pages.asp?ref_page=10850
Aménagement du territoire et régionalisation en Tunisie : Enjeux et défis.
Global-local Forum
Texte publié in Global-Local Forum Newsletters 8, 04 février 2016
http://www.global-local-forum.com/pages.asp?ref_page=10850
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Posté par amorbelhedi le 9 décembre 2014
Quel rôle des régions face à la fracture régionale ?
Communication au Séminaire : »Urbanisme et services urbains à l’échelle des métropoles et des régions »
Séminaire ATU-DGCL, 09 décembre 2014, Hotel Majestic, Tunis
Quel rôle des régions face à la fracture régionale
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Posté par amorbelhedi le 10 décembre 2013
La dimension géo-stratégique de la région.
Colloque International » Quelle régionalisation dans les pays du Maghreb? »
9-10 décembre 2013, Hôtel Diplomat, Tunis.
Unité de Recherche Droit et Gouvernance (URDG), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis,
Direction Générale des Collectivités Locales - Ministère de l’Intérieur.
Association Tunisienne des urbanistes (ATU)
Texte publié dans Echos, n° 12, 2015, Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD), pp.3-18
Dimension géo-stratégique de la région 10-12- 2013
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Posté par amorbelhedi le 29 octobre 2013
Texte Publié pp: 197-206 in « Autonoie locale et régionalisation en Méditerranée », Actes du Séminaire international Rabat (Maroc) 2-3 décembre 1999. Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe. Editions du Conseil de l’Europe, 2000, Etudes et Travux n° 67, 248p, Strasbourg, France.
Quelle Régionalisation pour la Tunisie?
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Posté par amorbelhedi le 29 octobre 2013
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Posté par amorbelhedi le 19 mars 2011
Le développement régional
Problématiques, objectifs et principes
Amor Belhedi
Le développement régional. Approches géographiques. Communication aux Journées
Géographiques de l’AGT, 19 mars 2011, FSHS, Tunis, Salle Guermadi. Texte revisité et
publié dans « La fracture territoriale. La dimension spatiale de la Révolution tunisienne ». 2012
Editions Wassiti, Coll. Ibraz, 262p.
La question régionale est à la fois complexe et délicat. Elle est complexe dans la mesure où
elle touche tous les aspects et toutes les sphères de la vie régionale (démographique, sociale,
économique, politique…) ce qui pose un problème de mesure, d’analyse, de diagnostic et d’action.
Elle est délicate, parce qu’elle est d’ordre politique avant tout.
Nous traiterons dans ce qui suit, les problématiques, les objectifs et les principes du développement régional principalement.
I- Problématiques
L’espace est devenu de plus en plus un « produit social » qui relève et revendique l’intervention de l’homme. L’inégalité régionale n’exprime-t-elle pas en fin de compte celle des hommes ? Il s’agit d’abord de préciser le concept de développement.
1- Le développement
Le développement est ce processus qui associe la croissance quantitative, les progrès qualitatifs et les transformations sociales et qui permet à une communauté de se prendre en charge à l’échelle d’un pays ou d’une région lui permettant de s’autonomiser progressivement. On y trouve les concepts de durabilité, implicite même si le qualificatif n’est pas là, la participation et de là la représentativité de la communauté. C’est un stade supérieur à la croissance qui implique modernité, bien être et équilibre (Brunet R et al 1993, Lévy J et Lussault M, 2003). Le développement est cette adéquation entre croissance et besoins sociaux. On ajoute souvent un qualificatif pour spécifier ou compléter ou spécifier le champ sémantique (développement durable, développement humain…).
Il ne suffit plus de satisfaire les besoins matériels et économiques, le développement est un tout indissociable et la dimension politique devient de plus en plus une revendication dont il faut tenir compte. La révolution du 14 janvier 2011 a scellé le développement (التنمية) à l’emploi (الشغل) comme moyen et à la dignité (الكرامة)comme finalité.
La justice sociale passe par la justice spatiale (Reynaud 1981) permettant de réduire les inégalités territoriales à différentes échelles (IDH, IPH, ISDH). Le développement régional est là pour rappeler le rôle défaillant de l’Etat en termes de complétude ou de déficience. Il se pose en termes de ressources et de compétences et des besoins régionaux pour initier des dynamiques globales. C’est une démarche politique qui implique la prise en charge, une pédagogie de négociation et une stature de citoyenneté active en évitant la démagogie (Lévy J et Lussault M, 2003).
Le développement régional sert les intérêts régionaux et locaux à court et moyen terme mais aussi les impératifs de croissance nationale à long terme. Les effets multiplicateurs seront réduits certes au début mais plus diffus dans l’espace et plus soutenus par la suite, les dés-économies seront réduites et les distorsions négligeables.
2- Une approche globale, dynamique et systémique
La question régionale ne peut être saisie à travers de simples indicateurs d’équipement ou en termes d’emploi, elle est plus complexe et nécessite une approche globale[1]. L’approche systémique[2] nous offre la notion d’équilibre dynamique et du déséquilibre supportable, dans le sens de contrôlable et acceptable aussi. Les problèmes de la région sont loin de se (dé-) nouer dans la région elle-même. Ils sont à chercher ailleurs, souvent à une échelle antécédente et plus large, dans les autres régions et au niveau national. Le faible développement de certaines régions est à rechercher dans le développement des autres, ce qui nous mène à la théorie de la domination et du modèle des centres-périphéries.
3- Une approche dialectique : le capital au cœur, le pouvoir au centre
La différentiation de l’espace n’est pas toujours endogène, ni maîtrisée. Elle est, peut-être, souvent le résultat d’une détermination externe. L’espace est différencié pour/par sa charge en capital, sa profitabilité et ses possibilités de plus-value (Santos M, 1975) en fonction de ses virtualités actuelles et potentielles. Le marché se situe à une échelle beaucoup plus élevée, d’où l’aliénation de l’espace régional avec cette spécialisation « horizontale » (Santos M, 1975) qui se double d’une spécialisation verticale où le besoin de services et de capitaux engendre « le court-circuitage des villes locales et le recours aux métropoles » extrarégionales. La desserte modifie sélectivement la valeur du sol tandis que la spécialisation spatiale (régionale, urbaine) renforce la circulation du surplus, court-circuite les centres locaux et régionaux au profit des espaces à forte intensité de capital donnant lieu à un échange inégal (Amin S 1973, Santos M 1975) déplace le marché vers une échelle spatiale supérieure et conduit à l’aliénation spatiale (Kayser B 1973) et à la dépendance (Harvey D 1973).
La croissance s’accompagne souvent d’une hausse des inégalités. Le surplus remonte toujours vers le circuit supérieur (Santos M 1975), les formations dominantes (firmes modernes, clases aisées, multinationales…), les métropoles et les régions dynamiques. La circulation du surplus fait que les zones pauvres participent à l’accumulation en devenant de plus en plus pauvres et la ville apparaît comme le lieu de reproduction des rapports de production et du système productif. La dynamique crée même « la périphérie dans le pôle », instaure deux circuits économiques dans la ville (Santos M 1975) et renforce la ségrégation socio-spatiale.
Le capital fixé spatialement (infrastructures, moyens de production) attire le capital mobile ou libre et génère les disparités. Le pouvoir favorise les espaces à fort rythme d’accumulation dans une course à la croissance, la «growthmania» (Santos M, 1975, 370).
La localisation devient elle-même source de valeur et de surplus. Le capital suit la productivité d’où la tendance à la concentration même si la production est de plus en plus déconcentrée, « tout système a une forme d’un profit et un profit ne peut pas être redistribué » (Bettelheim C 1961), le capital constitue ainsi le facteur structurant de l’espace et de la société. D’où l’intérêt d’une structure spatiale intégrée et intégratrice qui permet d’éviter les dérapages où le rôle de l’Etat est central.
4- Rente, Etat et développement régional
Le développement régional est cet effort d’analyse et d’explication des inégalités entre espaces et les solutions préconisées pour modifier ces rapports de domination. La solution préconisée a été l’injection de capitaux pour rétablir l’équilibre spatial par ajustements marginaux successifs conduisant à une convergence graduelle des taux de profit des facteurs de production (Friedmann 1963). La réalité dément ce schéma et la concentration du capital est de règle. Ce surplus prend la forme de profit dans le système capitaliste et ne peut pas être redistribué.
La domination spatiale ne peut être réduite qu’au prix de l’utilisation sociale du capital accumulé (Gendarme R 1963, Santos M 1975). Le développement régional revient donc à créer cette valeur symbolique. Pour réduire la domination spatiale, le surplus généré doit avoir une utilisation sociale sous forme d’un « fond social » où l’Etat constitue l’acteur déterminant quel que soit sa forme pour assurer redistribution de la rente réelle (Harvey D 1973).
Nous avons montré dans un travail antérieur que l’investissement se trouve au cœur de la question, tous les indicateurs lui sont liés. Comme l’essentiel demeure public, l’Etat détient un rôle central dans le développement.
5- La région comme échelle géographique : l’échelle infranationale
Les rapports à l’espace se font à différentes échelles qui sont au moins au nombre de cinq (Herin 1984) et on retiendra ici l’échelle régionale.
- locale : elle relève du quotidien (résidence, travail) où la proximité est centrale.
- la sous-région : l’échelle des pratiques commerciales et familiales
- régionale : l’histoire et le rayonnement économique de la ville sont essentiels
- nationale : l’entité politique par excellence : décisions.
- internationale : les flux de capitaux, des biens et des populations.
La région constitue l’échelle spatiale infranationale quelque soit la taille des mailles et du pays. La région est une entité géographique individualisée, par la nature et l’histoire, où le rayonnement économique de la ville régionale joue un rôle déterminant et l’action territoriale est déterminante. Le maillage spatial (nombre et taille des unités) dépend des objectifs assignés à cette entité spatiale.
6- La région comme construction socio-spatiale
L’espace est à la fois matériel et idéel (Lussault M, 2002). La matérialité est là avec la distance qui en fait une donnée naturelle alors qu’il est aussi idéel en tant que médiation et résultat du jeu des acteurs. Il n’y pas d’espace matériel sans discours idéel qui s’y rapporte mais il n’y a pas d’espace qui ne soit purement idéel. L’espace, indépendamment de sa taille et sa nature, est la projection d’une vision du monde et de la société, le principe « tout est dans tout » permet de voir la société dans l’espace et vice-versa. La région n’est pas seulement une étendue spatiale matérielle qui se réduit au support spatial et aux ressources qu’il recèle. Elle est avant tout une construction sociale.
La région est aussi une entité politique dans la mesure où elle n’existe pas sans pouvoir. Et si elle n’existe pas, il faudrait la créer même en tant qu’instance territoriale fondatrice pour constituer une base de fonctionnement de l’ensemble territorial.
La question régionale ne se trouve souvent posée qu’en termes nationaux et la région n’est généralement perçue qu’en référence au cadre national d’autant plus que l’Etat, souvent centralisé, a tout fait pour évacuer la question régionale et la réduire à un problème d’optimalisation de localisation des activités économiques ou à une question d’équité sociale permettant d’alléger la pression ou de soulager la tension régionale.
II – Les objectifs
On peut se limiter à cinq objectifs pour le développement régional : l’équité, l’équilibre, l’efficacité, la solidarité et l’appropriation spatiale.
1- L’équité : L’équité entre les hommes passe par celle entre les espaces et de là le développement régional permet d’atteindre cette équité territoriale. En ces termes, elle est un droit des collectivités territoriales démunies et fonde la citoyenneté. Le développement n’est pas un don, une charité, c’est un droit lié nationalité ? Le discours sur la scission est caricatural mais exprime bien le sentiment d’exclusion, l’excès qui relie les régions ou celles-ci à l’Etat ?
2- L’équilibre : Il s’agit d’assurer un équilibre spatial permettant de doter un pays d’une structure spatiale durable, à la fois viable, vivable de nature à assurer une répartition relativement équilibrée répondant aux impératifs géopolitiques et permettant la géogouvernance (la gouvernance territoriale) permettant la participation active des citoyens à la gestion de leur territoire.
3- L’efficacité : L’efficacité globale d’un territoire passe par celle de ses parties qu’il s’agit d’utiliser de manière rationnelle permettant un développement durable. La sous-utilisation d’une partie du territoire est toujours préjudiciable à l’efficience de l’ensemble de la communauté.
4- La solidarité : Un territoire est un espace dont les parties sont solidaires, en rupture avec le schéma où une partie survit et se trouve condamnée à l’assistance en termes de ressources insuffisantes.
5- L’appropriation territoriale : La territorialité passe inéluctablement par l’appropriation de la communauté de son espace et son organisation en vue d’un développement durable. La durabilité va de pair avec le processus participatif et d’appropriation. L’objectif est alors de créer ce lien ombilical sans lequel, il n’y a ni région, ni développement tout court.
Pour atteindre ces objectifs, on doit rappeler les principaux fondements de la régionalisation.
III – Les fondements de la régionalisation
Différents paradigmes se trouvent derrière le concept de région et la régionalisation: l’homogénéité, la fonctionnalité, l’opérationnalité, la dimension politique ou affective. On peut passer en revue les principaux fondements qui président au découpage régional.
1- La région homogène : ce qui est en commun, le passé
La région est une entité homogène, individualisée par certains caractères en commun qui la distinguent suffisamment des autres régions. Cette homogénéité provient, de la présence d’un ou de plusieurs facteurs déterminants qui se situent au niveau de la nature ou/et de la culture (ressource, culture, langue, activité, histoire,…). La composante historique crée l’identité et perpétue les particularitésen donnant lieu à des combinaisons nature-culture où on accorde au déterminisme naturel un rôle trop important et à l’histoire une place qui n’est plus à l’ordre du jour face à l’Etat, à l’acculturation et à la mondialisation. C’est une problématique dominante lorsque la nature et l’histoire représentent un dictat, mais elle un peu dépassée à l’ère actuelle où l’homme maîtrise plus qu’auparavant la nature.
En Tunisie,les données du milieu naturel définissent une trame orthogonale (N-S et E-O) de gradient NE-SO qui détermine le découpage spatial en régions naturelles mais aussi historiques et même administratives (Belhedi A 1992). Les aspects agricoles marquent fortement le maillage spatial selon les potentialités agricoles et l’occupation du sol. L’histoire y a contribué par un marquage régional à travers les systèmes agricoles pratiqués qui ne sont qu’une combinaison des aptitudes naturelles et des traditions culturales. Enfin, le découpage administratif a contribué relativement au marquage spatial de ces divisions.
2- La région fonctionnelle : ce qui relie, l’économique actuel
La région fonctionnelle est une entité diversifiée, intégrée et polarisée par un centre régional. Elle se fonde sur l’échange où lesliens endogènes sont plus intenses que les liens exogènes. La polarisation découle de la généralisation des rapports marchands, elle implique la hiérarchisation, la dissymétrie et la centralité selon le principe de la relation préférentielle asymétrique des parties et du centre.
La fonctionnalité suppose quatre conditions au moins : la présence d’une capitale, d’un système urbain assez étoffé voire un réseau urbain hiérarchisé, une diversité requise et une intégration interne. Le maillage s’appuie sur les réseaux de circulation, les flux et les liens fonctionnels. Il exprime le fonctionnement actuel de l’espace national et la plus ou moins polarisation spatiale.
L’espace tunisien est organisé selon un schéma centré en auréoles (Belhedi A 1992). Les régions nodales concernent Tunis, Sfax, Sousse-Monastir et Gabès, les zones d’épaulement intéressent le Sud-Est notamment Jerba-Zarzis, le Nord-Est en particulier le Cap Bon et le Sahel de Bizerte voire le Kairouanais. Les zones dépressives couvrent l’Ouest tandis que les espaces pionniers englobent les oasis, les centres miniers ou l’extrême Nord-Ouest avec des zones spécifiques (zones touristiques, espaces montagneux, zones forestières). Le cas extrême est la zone de Kasserine qui se trouve éclatée entre l’influence de Tunis, Sousse, Kairouan à l’Est et Gafsa au Sud.
Ces deux démarches s’appuient sur le passé (nature et culture) ou le présent (le fonctionnement spatial) alors que le développement relève plutôt du futur et de l’avenir.
3 – La région Problème – Plan – Programme : les trois P, l’action au futur
La région peut être conçue comme un devenir commun qui exige un projet. La région est un véritable plan ou un programme d’action en vue de résoudre un ou des problèmes. Les problèmes qui s’y posent sont tellement interdépendants qu’il est difficile de les dissocier, la région constitue le lieu de leur articulation et de leur dénouement à la fois. La région-programme transcende et englobe les deux types précédents de région, elle débouche surl’actioncoordonnée et programmée en vue d’une intégration spatiale ou d’un développement intégré.
Le développement régional s’inscrit intégralement dans une problématique d’action transformatrice et de changement orientée vers l’avenir, c’est l’action au futur.
En Tunisie et jusqu’à une date récente, l’action régionale a été plutôt hydroagricole et la régionalisation n’a été qu’un simple cadre spatial des données des divers plans de développement depuis les années 1980 ou de gestion administrative : directions régionales, base de déconcentration….
Le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT) de 1985 a reproduit le schéma Nord-Sud et Est-Ouest, à quelques délégations près, avec une option pour l’équilibre régional destiné à retenir la population de chaque région sur place. La crise du milieu des années 1980 et l’adoption du Programme d’Ajustement Structurel (PAS) l’ont rendu totalement hors du temps.
Le SNAT de 1998, a repris le même découpage pour l’analyse tout en privilégiant le clivage Est-Ouest, une Tunisie utile métropolisée, ouverte et ancrée sur l’économie-monde ; et une Tunisie inutilevouée à l’assistance que l’Etat devrait assurer derrière une ligne qui partage le pays du Nord au Sud et englobant le NO, le CO et le SO.
Les trois fondements, homogénéité, fonctionnalité et opérationnalité, se complètent et se relaient à des échelles différentes mais l’action sans pouvoir régional est susceptible de renforcer davantage la centralisation nationale dans la mesure où la région n’est qu’un simple support spatial.
4- La région comme entité politique : la région comme pouvoir et contre-pouvoir
Ce qui définit la région avant tout, c’est l’absence d’une unité politique indépendante à l’instar de la nation et son ouverture qui fait que ses limites ne sont pas totalement étanches. Cela n’empêche pas cependant qu’elle constitue un pouvoir régional.
La région constitue inéluctablement une vie et une vie ne se définit que par le pouvoir qu’elle détienne. Un pouvoir, économique, social et politique, qui ne peut exister que dans les interstices de l’Etat qui le transcende et se trouve par là forcément lié à l’importance de la société civile : la collectivité régionale sans laquelle la région reste un simple découpage spatial et le développement régional se résume à un simple partage d’un gâteau consenti par l’Etat pour corriger la redistribution, réguler l’économie ou désamorcer la tension.
Le pouvoir régional définit cette entité spatio-politique régionale et lui permet de jouer aussi le rôle d’un contre-pouvoir de nature à assurer la régulation socio-politique du système à l’échelle spatiale. On peut concevoir aisément cette régulation à trois niveaux spatiaux : la commune, la région et l’Etat à condition qu’ils soient représentatifs les uns comme les autres. Chaque instance résulte et corrige les deux autres.
Ce pouvoir régional ne tire sa signification que lorsqu’il est représentatif des populations régionale set des acteurs régionaux à la fois ce qui pose le problème de l’ancrage territorial.
5- La région comme espace d’ancrage et d’action des acteurs régionaux
La région correspond à un espace vécu, un espace identitaire et un espace d’action des acteurs régionaux comme les collectivités territoriales, les entreprises régionales, les systèmes de productions localisés (SPL), les élus, les associations… ; bref, tous les acteurs dont l’aire d’action intéresse une partie (les acteurs locaux) ou l’ensemble de la région.
La région permet un ancrage territorial de ces acteurs, elle leur sert de référence identitaire mais aussi d’objectif et d’avenir commun et de là d’un espace de projection. Le développement territorial de la région permet la mobilisation, la synergie et la référence et la projection dans le futur : bref la création du territoire régional comme un passé et un héritage, un cadre de vie actuel à améliorer et un devenir commun à concevoir et à réaliser.
Il en découle que les acteurs régionaux et les compétences régionales constituent le fondement même du développement régional sans être, ni prétendre à en être les seuls, même s’il s’agit simplement d’une réaction primaire à certains excès et qui reste compréhensible. Lorsque l’action régionale n’est pas maîtrisée et n’est pas initiée par les concernés, elle relève de la modernisation ou de la croissance mais contribue inéluctablement à la dépendance de la région et à l’aliénation même de l’espace régional vis-à-vis du centre (cf. supra).
IV – Les principes de la régionalisation
La partition régionale doit répondre à un certain nombre de principes pour assurer l’efficience des entités régionales :
1- Une taille et une diversité requises : L’espace régional doit avoir une taille en mesure de permettre une économie diversifiée, une autonomisation régionale relative et une économie d’échelle[3].
Cette taille doit correspondre aussi à une combinaison de ressources et de potentialités, capable de créer des avantages comparatifs, assurer l’interaction indispensable à une vie régionale équilibrée et permettre la complexité requise qui favorise l’interdépendance, la créativité, la croissance et l’autonomisation.
Il convient de créer des régions économiques regroupant une population de 1 à 3 millions d’habitants selon les cas avec une combinaison d’espaces différents, correspondant à une combinaison d’ activités (agriculture, industrie, tourisme…) et inégalement développés pour permettre la synergie et l’intégration, économique et spatiale, à la fois. Il s’agit des espaces centraux, des espaces d’épaulement et des périphéries (Belhedi, 1992, Belhedi A & Lamine R 1979). Ces régions seraient le Nord, le Centre et le Sud. Ce découpage est de nature à assurer aussi la transition en permettant l’ancrage des espaces marginaux aux espaces nodaux jusqu’à la création, prévue à terme, des pôles à l’intérieur. Ce découpage est de nature à permettre une double transition :
– Dans une première phase, il s’agit d’articuler le littoral à l’intérieur en rompant avec le schéma actuel où les régions intérieures ne sont que de simples arrière-pays des espaces littoraux. Le découpage orthogonal actuel en échiquier ne favorise guère le développement régional à moins qu’il y ait un changement de contexte mondial et de modèle économique. Les espaces intérieurs, laissés tout seuls, iraient à la dérive en se vidant au profit des espaces littoraux. Il s’agit de développer à l’intérieur les points d’appui, les centres relais et les espaces d’ancrage.
– Dans une seconde phase, il y a lieu de permettre de scinder les régions intérieures des régions littorales une fois les métropoles et les économies régionales intérieures ont atteint le niveau suffisant qui leur permettra de s’autonomiser, encadrer les régions intérieures et polariser les espaces régionaux.
2- L’Etat constitue l’acteur central dans le développement régional et la formation même de la région à travers la décentralisation et une politique d’investissement capable de modifier le schéma. L’action motrice de développement ne peut être qu’externe pour pouvoir infléchir les tendances lourdes. Il faut rompre avec l’idée longtemps défendue selon laquelle « à chaque région selon ses ressources » qui va à l’encontre même du concept fédérateur de territoire ou de nation et laisse de côté les espaces démunis de ressources. Quel que soit sa nature ou sa forme, l’Etat est incontournable pour amorcer le développement régional, doter la région d’un pouvoir réel et de ressources propres et financer le développement régional.
L’autorité régionale constitue un élément vital dans le processus de développement qui implique la prise en charge du processus et la mobilisation des acteurs. Le transfertdes pouvoirs, des moyens et des responsabilités est incontournable pour permettre le processus progressif d’autonomisation tandis que l’organisation de l’espace reste indissociable du pouvoir de décision que détient le centre.
L’Etat, restera toujours un acteur important et incontournable même à une phase avancée du développement d’une région pour pouvoir corriger les excès dans un sens ou dans un autre et assurer la régulation de l’ensemble territorial et la redistribution spatiale. Autant l’Etat constitue l’instance d’arbitrage régional au sommet, autant le pouvoir communal assure le partage territorial en bas, trois instances de régulation territoriale.
3- Une économie liée à la matrice urbaine : les centres urbains constituent toujours les foyers pulsateurs de l’économie régionale d’où la nécessité d’étoffer, de corriger et de restructurer les systèmes urbains qui véhiculent le changement et l’innovation. L’intégration spatiale passe par la hiérarchisation urbaine, la croissance économique et l’encadrement territorial sur les plus petites villes et les campagnes. L’action sur le système urbain doit présider à celle des réseaux de circulation, elle est de nature à permettre de créer et de réorienter les flux de toutes les formes : biens, personnes, capitaux et informations.
Pour cela, la région doit être dotée d’un pôle régionalcomme foyer pulsateur et d’encadrement, un centre capable de réorienter les flux et de fournir les services régionaux. Le concept d’organisation est inséparable de celui depolarisation et de centralité, de hiérarchisation et d’asymétrie. Pour cela, chaque région doit être focalisée autour d’un centre, existant à renforcer ou à créer en toute pièce s’il le faut, susceptible de polariser l’espace et d’en constituer la métropole régionale. Ce centre peut être unique, bipolaire ou même tripolaire là où la première ville est déficiente, les centres sont proches spatialement et complémentaires économiquement.
Tous les systèmes urbains régionaux sont déséquilibrés à part celui de la capitale qui dispose d’un véritable réseau urbain étoffé et hiérarchisé, commandé par une métropole régionale et nationale à la fois : Tunis. Le système urbain du Sahel est assez étoffé mais Sousse reste encore faible malgré les progrès réalisés ces dernières décennies (Belhedi A 2005). Certains systèmes urbains sont macrocéphales où la première ville centralise tout à côté de petites villes sous-équipés comme est le cas de Sfax ou Kairouan. D’autres manquent totalement de villes moyennes et de métropoles comme à Sidi Bou Zid ou Kasserine… (Belhedi A 1992, 2003).
4- La mobilité géographique constitue une condition d’intégration et de développement, de nature à assurer les ajustements nécessaires, d’où l’importance des réseaux de transports, de circulation et de communication au niveau inter et intra-régional à la fois. Le désenclavement, la connectivité et l’intégration des réseaux est une condition incontournable de la construction régionale. Cette action touche l’ensemble des régions mais elle se pose avec acuité dans les régions excentriques frontalières indépendamment de l’ouverture ou non des frontières.
La connectivité des réseaux de circulation et de communication est incontournable avec l’intégration spatiale, elle permet le désenclavement et l’amélioration de l’accessibilité ce qui modifie la valeur des lieux et leur profitabilité d’une manière sélective. Dans les régions à développer, la mise en réseau doit anticiper le système productif et la vie de relation. Cette action est cependant risquée si elle n’est pas accompagnée par une intégration endogène des réseaux. Le risque est de profiter aux autres régions externes bien placées
La mobilité de travail se fait en fonction du taux de chômage et du taux de rémunération ce qui explique la persistance de l’exode et du chômage urbain à la fois. Un seuil stabilisateur de l’exode existe à un niveau donné lorsque l’écart entre les espaces devient très faible. Pour arrêter ces flux déséquilibrants, il convient donc de créer les emplois sur les lieux mêmes, unifier le système de rémunération entre espaces et secteurspour réduire les flux en faveur des zones privilégiées.
L’hémorragie déséquilibrante, au profit des espaces plus dynamiques littoraux, est à stopper par une action volontaire en créant les conditions requises de l’accumulation spatiale sur les lieux mêmes et en assurant une redistribution spatiale secondaire de nature à corriger la distribution primaire des facteurs de production à l’instar des mécanismes de redistribution économique.
5- La double intégration régionale selon deux modes : exogène et endogène.
- L’intégration externe consiste à rattacher les espaces défavorisés aux espaces centraux de manière à ce que chaque région regroupe plusieurs types d’espaces de niveau de développement différents. Cette démarche permet une approche globale du développement et de l’aménagement où chaque problème n’est résolu que par rapport à d’autres espaces dans lesquels il prend souvent racine. Elle permet la complémentarité nationale et évite la création de petites entités sous forme d’isolats qui n’ont aucune base économique et ne correspondent qu’à un simple découpage administratif.
- L’intégration interne consiste à impulser le développement à partir de pôles internes qu’il s’agit souvent de créer ou de renforcer selon les cas et de connecter ce qui est plus intéressant et permet de mobiliser les acteurs régionaux qui prennent en charge le développement régional.
Il s’agit de mettre en réseau les espaces limitrophes à chaque région de manière à asseoir une base productive réticulaire qui permet de travailler en réseau favorisant l’intégration locale (à l’intérieur de chaque région) et nationale à la fois.
Le découpage spatial se pose en termes de continuité et de rupture. Dans un souci d’efficacité et d’économie, la continuité privilégie toujours les lieux et les centres les mieux placés en terme de taille, de fonctions, d’équipement ou de position tandis que la rupture nécessite la définition d’un projet sociétal de développement clair avec des objectifs bien définis. Quel que soit l’alternative, les noyaux urbains sont au centre de tout découpage et sont sujets de peu de changements contrairement aux marges où la souplesse est requise.
6- L’ancrage territorial des acteurs régionaux : Le développement régional implique la présence d’un ancrage territorial dans la région qui constitue un espace de vie et un espace d’actionpour les acteurs régionaux au point de devenir un espace identitaire et un espace de projectionfuture à la fois..
En plus des acteurs nationaux et locaux, ce sont les acteurs régionaux dont l’aire d’action correspond à la région. Ces acteurs sont de trois catégories : les acteurs politiques, les acteurs économiques et les acteurs sociaux.
Les acteurs économiques correspondent à des institutions et des entreprises qui prennent la région comme assise (production) ou finalité (marché, consommation, financement). Les acteurs politiques correspondent aux programmes de développement et d’aménagement d’ordre régional qui englobent une partie ou la totalité de la région. Les acteurs sociaux correspondent à l’espace vécu et à l’espace de vie d’ordre national construits par la connectivité du tissu économique régional et la création de relations techniques sous forme de sous-traitance, de contrats de pays ou de SPL… La région constitue elle-même un espace de vie, un territoire régional. Le développement régional est cette action qui consiste, en plus de la croissance économique et de l’amélioration des conditions de vie, à créer la territorialité régionale comme un cadre de vie reproductible et un espace de projection qui relève plus de la fierté libératrice que de la fatalité emprisonnante.
La polarisation de l’espace tunisien peut se faire autour de quelques métropoles régionales comme Tunis, Sfax et Sousse dans une première phase avec le renforcement à terme de centres comme Gabès et Gafsa au Sud, Kasserine, Sidi Bouzid et Kairouan au Centre ; Kef, Bèja et Jendouba au Nord Ouest. Les espaces médians de Béja, Siliana, Sidi Bouzid ou Kébili assurent la transition entre l’Est et l’Ouest.
Il s’agit de permettre l’émergence de capitales régionales de l’emprise de Tunis en deux étapes à savoir Sfax, Sousse ou Gabes et dans une seconde étape permettre à des villes comme Beja, Kef ou Jendouba, Gafsa, Kairouan ou Kasserine de s’autonomiser et de jouer le rôle de capitales régionales par la suite.
Le problème n’est pas le découpage spatial en soi ou le choix du ou des centres à promouvoir, il est plutôt d’ordre politique posant le problème de l’articulation de la région et de l’Etat.
V – Le lien paradoxal Etat-région
La question de la régionalisation bute au problème du pouvoir central qui n’était pas jusque là prêt à déléguer une partie de ses prérogatives aux régions ou à les reconnaître même. Pour exister, n’a-t-on pas besoin d’un nom, tous les gouvernorats portent le nom de leur chef-lieu ? La toponymie est significative du rattachement vertical au pouvoir central en déniant même de donner un nom aux unités administratives, qui faute de nom n’existent pas en termes d’individualité.
1 – La primauté de l’Etat et la dérégionalisation
Dans un cadre national, la région n’est perçue qu’un lieu de maximisation des investissements nationaux, un point fort de l’espace national qu’il convient de renforcer, une entrave à la croissance qu’il urge d’aider, ou une zone de tension qu’il s’agit de désamorcer. Toute reconsidération de la région en tant qu’entité conduit à une question de pouvoir. Or le développement régional ne peut se faire réellement qu’avec un pouvoir régional qu’il convient d’instaurer.
La lutte pour l’indépendance a privilégié l’intégration nationaleet a même dérégionalisé l’espace. L’instauration de l’Etat national s’est faite aux dépens du pouvoir tribal et ethnique traditionnel qu’il a fallu combattre. Le découpage spatial des gouvernorats et des délégations a été effectué souvent dans l’esprit de casser l’assise spatiale de ce pouvoir désuet, tant traditionnel que colonial. Les performances économiques tant vantées par la Tunisie depuis les années 1970 notamment n’ont été possibles qu’au prix d’effets inégalitaires pervers ressentis en particulier dans la périphérie, quel que soit sa position ou son retard. L’inégalité conduit à la pauvreté (Banque mondiale 2009), celle-ci contribue à son tour à instaurer le sentiment d’exclusion, de spoliation et d’inéquité ce qui entame le processus d’appartenance territoriale même.
La révolution tunisienne a bien montré l’expression de ce processus. N’a-t-on pas entendu les nombreuses demandes de déterritorialisation du pays par réaction à l’oubli et la marginalisation? En réclamant le développement régional sur la base des ressources propres régionales ne tombe-t-on dans le piège du discours des années 1990, défendu jusque là, fondé sur la rentabilité et que à chaque région ses ressources? La revendication de donner la priorité aux originaires de la région dans le recrutement et la nomination des responsables ne tombent-elles pas dans le même piège, par excès, en réponse aux excès subis pendant des décennies ? L’appel à la scission, même pris pour anecdotique, n’est-il pas symptomatique du processus de déterritorialisation ? La révolution du 14 janvier 2011 n’est-elle pas la revanche de la dérégionalisation et de l’exclusion ?
2 – Mondialisation, extraversion et action régionale
L’extraversion favorise, par le jeu des causalités cumulatives, le(les) centre(s) qui attirent et focalisent les flux et créent le vide à la périphérie et dans le centre même. La profitabilité surestiméedu (des) Centre (s) joue en défaveur de la périphérie appauvrie et sous-estimée à la fois. Les avantages octroyéspar les pouvoirs publics sont loin d’égaler ceux du Centre, réels ou imaginaires,d’où les modestes résultats des expériences de déconcentration (industrielle, universitaire…). Si en périphérie les promoteurs paient les surcoûts; ces derniers sont assumés par la collectivité et les promoteurs en profitent bénévolement dans les centres sans participer aux économies d’échelles, externes et d’agglomération. La périphérie devient dépendante même dans ses budgets administratifs de base pour assurer l’éclairage ou la collecte des déchets ménagers débouchant ainsi sur une véritable crise de reproduction. La redistribution socio-économique assurée par l’Etat en faveur de ces régions en déprise constitue un blocage de la périphérie et contribue même à élargir les assises spatiales et sociales du centre en créant une mentalité d’assistance et d’attente.
A l’ère de la mondialisation, l’extraversion ne peut que se renforcer même si on essaie de réduire les écarts inter-régionaux, devenus trop flagrants, ou atténuer les retards dans les zones dépressives. La littoralisation est la conséquence inéluctable de l’extraversion tandis que l’accusation des écarts est incontournable de cette croissance extravertie et centrée.
La convergence ne peut pas être le résultat des mécanismes du marché qui favorise plutôt la divergence cumulative des espaces. Comme le nivellement par le bas n’est ni possible, ni souhaitable dans la mesure où il constitue la négation même de la croissance qui est la base du développement ; le prix de la croissance nationale tout azimut est la divergence inégalitaire au niveau régional. Comme la croissance est, par définition, sectoriellement sélective et spatialement différentielle, on doit accepter un certain seuil de déséquilibre spatial, un déséquilibre supportablepour l’intérêt de l’ensemble de la collectivité nationale. Ce « déséquilibre acceptable » nécessite un consensus et exige l’intervention de l’Etat mais encore faut-il que l’Etat lui-même soit représentatif et autonome des intérêts extérieurs ?
3 – L’Etat et la région : l’autonomisation comme enjeu, la démocratie comme nécessité
L’Etat non représentatif tend à s’autonomiser de la formation sociale tout en devenant dépendant de l’extérieur dans le cadre de la mondialisation croissante ce qui le conduit,pour se reproduire à se consolider à l’intérieur, tendance qui ne favorise ni la régionalisation, ni la démocratie locale. La contraction des pouvoirs de l’Etat face aux acteurs mondiaux et transnationaux n’est pas de nature à favoriser la délégation d’une partie de ses pouvoirs à la région ?
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, seul un Etat émanant de la société civile est en mesure de permettre la présence d’un pouvoir régional qui s’approprie une partie de ses prérogatives sans crainte, ni risque, ni enjeux.
En absence de représentation réelle des populations concernées, toute décentralisation conduit à renforcer l’autorité centralepar un encadrement politique pernicieux, le renforcement du pouvoir central et partisan par le truchement technique ce qui pose la nécessité de la démocratie territoriale pour jouer le rôle d’un véritable contre-pouvoir permettant aussi bien l’autonomisation, l’ancrage territorial que la mise en place d’un pouvoir régional. Il va sans dire que la démocratie régionale est indissociable de la démocratie tout court.
Jusqu’ici l’administration à été de type centralisé, très jalouse de ses prérogatives. La déconcentration est restée limitée, la décentralisation quasi absente et les prérogatives octroyées au niveau régional restent très limitées et mitigées.
Entre 1956 et 1963, le gouverneur gérait tout seul le territoire. Le Conseil de Gouvernorat créé en 1963, est présidé par le gouverneur et composé des services techniques régionaux. Avec son caractère peu représentatif, il a été en plus marginalisé par le foisonnement des commissions qui sont présidées par le gouverneur.
Les conseils régionaux de développement crées en 1989[4] regroupent les maires, les élus régionaux et les services régionaux et sont dirigés par le gouverneur mais la prééminence du parti au pouvoir et les partis qui lui sont alliés et la représentativité fallacieuse des élus ont vidé ces conseils de toute crédibilité et a contribué à un encadrement politique serré du territoire. La dernière décision de juillet 2010 a permis de faire passer la proportion de l’opposition de 7 à 22%, composée essentiellement par les partis alliés à l’ancien RCD.
VI – La nature du pouvoir régional
On peut, proposer certaines réformes au niveau régional, susceptibles de doter la région progressivement d’une véritable vie régionale et stimuler l’intégration interne à chacune des régions. Ces réformes sont de nature financière et institutionnelle.
1- Le financement du développement régional
La composante financière est fondamentale pour l’efficacité de l’action régionale, elle peut prendre plusieurs formes : les ressources fiscales, les instances et un fonds de financement du développement régional.
1.1- La réforme fiscale : un triple partage
En dépit des progrès assurés grâce aux programmes régionaux depuis 1987, les crédits restent très limités (11%) et insuffisants sans accroître pour autant l’autonomie régionale. Les ressources fiscales permettent de doter les communautés territoriales locales des moyens de l’action de l’autonomisation requise. Mais la situation est critique dans les régions intérieures où les petites communes qui se trouvent obligées de recourir au Fonds Commun des Collectivités Locales et ont un fort taux d’endettement pour financer les services de base.
Pour doter les collectivités territoriales régionales des moyens financiers nécessaires, un partage des ressources fiscales s’impose entre les trois échelons spatiaux selon une clef de répartition à définir : les collectivités territoriales locales, les Régions et l’Etat.
Sur un autre plan, la solidarité territoriale impose une seconde clef fiscale à instaurer : une partie de la fiscalité locale reste sur place sur le lieu de production, une seconde revient aux collectivités démunies à titre du devoir de solidarité tandis que la dernière partie va à l’Etat pour le financement de tout ce qui a trait à l’ensemble du pays.
1.2- Les Banques et les Sociétés Régionales de développement
Il s’agit de créer des Banques et/ou des Sociétés Régionales de Développement susceptible d’assister le processus de développement. L’Etat, les collectivités territoriales sont appelées à participer à ces banques. Ces institutions sont appelées à nuancer les mesures d’incitation en fonction des réalités régionales et locales et d’impliquer les organismes régionaux dans l’entreprise de développement régional. Ces sociétés de développement régional prennent en charge l’identification, le financement, l’assistance et le suivi des opérations et des projets au niveau de chaque région. Les expériences des offices de Développement (du Sud, du CO ou du NO) sont à revisiter pour créer de véritables acteurs régionaux associés et impliqués au développement de chaque région, initiés et contrôlés par les collectivités régionales au lieu d’être de simples antennes du pouvoir central.
2 – Les institutions
Elles intéressent la région, ses prérogatives, son contenu, ses ressources et son administration dans une perspective d’aménagement, de décentralisation progressive et de développement territorial. Elles concernent aussi les acteurs régionaux de manière à asseoir une véritable vie régionale.
2.1 – Au niveau du gouvernorat
Il y a lieu de recomposer le Conseil de gouvernorat et consolider les services techniques régionaux par une véritable décentralisation.
a – Le Conseil de gouvernorat : Le conseil de gouvernorat est chargé d’administrer, coordonner les programmes sectoriels et prendre toutes mesures susceptibles de contribuer au développement et à l’aménagement du gouvernorat. Il peut être composé par les présidents des conseils locaux, les représentants des communes, des organisations régionales et des services régionaux et est dirigé par un président élu par ses pairs. Le gouverneurest chargé de l’exécution des décisions du Conseil.
Pour les services techniques, il est temps de :
– Rationaliser le découpage sur la base des régions économiques pour les services qui touchent plus d’un gouvernorat. Il y a lieu de regrouper les services plus rares ou de niveau régional (BCT, Banques, commerce extérieur, licences, INS, AFH, SONEDE…) dont la déconcentration poussée ne se justifie pas encore au niveau des centres supérieurs de l’armature urbaine et dans le cadre des régions économiques ou régions-plans.
– Etoffer les services au niveau de tous les gouvernorats pour les centres qui souffrent encore de carence comme Tozeur, Kébili, Tataouine, Sidi Bouzid, Siliana….
- Doter les services techniques d’un pouvoir régional de nature à en faire de véritables relais au service de la région et du Conseil Régional. Pour cela, une véritable décentralisation est à mener en dotant les services régionaux d’un véritable pouvoir de décision et en déléguant certaines attributions de l’administration centrale aux régions.
b – Affiner le découpage en gouvernorats en divisant certains gouvernorats qui dépassent un seuil donné en termes de taille dans une démarche qui permet un encadrement plus rapproché de la population et qui facilite la création de la région par la suite à une échelle supérieure.
2.2 – Au niveau régional : créer la région
Il s’agit de créer la région et la doter d’une structure de gestion : le conseil régional, coiffant les gouvernorats d’une même région économique qui assure la coordination des divers programmes et la mise en œuvre des projets communs. Le conseil régional peut être composé des représentants des gouvernorats de la région concernée, élus directement au suffrage et des représentant des services techniques régionaux. Il est présidé par un président ou Commissaire Régional élu par ses pairs et dont la tâche réside dans la coordination des programmes touchant la région, la planification spatiale, le développement régional, le suivi et le contrôle des projets de dimension régional qui dépassent les compétence (spatiales, techniques ou financières) d’un seul gouvernorat.
Il est temps de repenser totalement les programmes régionaux en séparant les programmes à caractère social (chantiers, fonds conjoncturels…) sous forme d’un Fonds d’Action Sociale(FAS) qui obéît à des impératifs socio-politiques, des programmes de développement qui formentun Fonds de Développement Régional (FODER) géré par les Banques et les Sociétés Régionales de Développement (BRD et SRD).
Le même fonds peut servir aussi pour financer les programmes de développement local dans la mesure où les mécanismes et les schémas sont un peu différents mais les actions de développement local débouchent en fin de compte sur le développement régional. Ce fonds pourrait jouer un rôle similaire à celui de la Caisse du Midi en Italie qui a permis le développement du Mezzogiorno et l’émergence de la troisième Italie.
2.3 – Le Commissariat Général et les Offices de Développement Régional
La situation actuelle se caractérise par un partage de rôles le moins qu’on puisse dire problématique. En effet, le Commissariat Général au Développement Régional créé au début des années 1980, après quelques années d’exercice, a vu ses prérogatives limitées aux gouvernorats du littoral tandis que les régions de l’Ouest et du Sud se trouvent plutôt régies par les Offices de Développement du Nord- Ouest (ODYSPANO), du Centre Ouest (ODCO) ou du Sud (ODS). Cette dichotomie des territoires et des attributions pose le problème de la coordination et de la cohérence de l’action régionale. Est-ce que le développement régional se limite au littoral et comment concevoir une politique d’action régionale tronquée ?
Il s’agit d’assurer la cohérence de l’action des deux institutions, par précision des tâches ou par fusion des attributions. Si la question ne se pose pas pour les Offices de développement qui ont un périmètre précis, on voit mal comment un Commissariat général au développement régional s’occuper seulement des gouvernorats littoraux ?
2.4 – Le développement régional et l’aménagement territorial
La coordination entre l’aménagement et le développement régional est très bénéfique dans la mesure où elle permet d’articuler les deux actions de développement et d’aménagement territorial. Cette expérience a été opérée dans les années 1980 mais n’a duré que quelques années, emportée entre autres par la crise et le désengagement de l’Etat dans le cadre du Programme d’Ajustement structurel.
Il est important de re-penser l’expérience, une nouvelle fois, de manière à restructurer l’espace national et les espaces régionaux pour créer une structure territoriale durable et assurer la cohérence globale entre les divers projets de développement et les schémas d’aménagement territorial.
L’importance de cette instance fait qu’elle touche plusieurs départements (l’équipement, le transport, le tourisme, l’industrie, l’agriculture, l’université, les technopoles…) et une structure interministérielle serait plus adaptée à ce type de tâche. Cette structure peut prendre la forme d’un Commissariat Interministériel pour le développement territorial (CIADET) doté d’un fonds de financement conséquent.
Conclusion
L’analyse montre que la région est une nécessité qu’il convient de créer mais sa création ne peut être dissociée du problème du pouvoir institutionnel et des moyens financiers qui constituent l’élément central de la question régionale tant au niveau spatial que social.
En l’absence d’un contre-pouvoir régional, le processus de développement contribue inéluctablement à renforcer davantage l’appareil de l’Etat central même si son désengagement croissant devant la mondialisation rampante laisse de plus en plus du terrain aux ONG et au développement local qui lui sert de vecteur d’encadrement et d’un terrain de récupération et permet aux acteurs locaux de participer au développement régional.
Il s’agit de doter la région de bases productives réelles, créer les conditions d’une véritable intégration régionale et asseoir le pouvoir régional en même temps que la région même. En fait, on se trouve là devant un cercle vicieux dont la rupture ne peut s’opérer que par une démocratisation de la vie socio-politique et la décentralisation, c’est à dire un acte politique et de pouvoir, indissociable de la sphère politique en général où la région devient un maillon de la démocratie, un contre-pouvoir de régulation, un terrain de la citoyenneté, une autre territorialité qu’il convient de créer.
Références
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Belhedi A – 1992 : L’aménagement du territoire en Tunisie. PUT, FSHS
Belhedi A – 1996 : Développement régional, rural, local. Cahiers du Ceres
Brunet R, Ferres R et Théry – 1993 : Les mots de la géographie. Doc Française.
Bettelheim C – 1961 : Commentaires sur Reflexions on Capitalism de Shegeto Tsuru. In Tsuru S (dir) : p 93-109.
Frémont A, Chevalier J, Herin R, Renard J – 1984 : géographie sociale. Masson
Friedmann J – 1963 : Regional economic policy for developing areas. Papers and proceedings, The Regional Science Association, vol 11
Gendarme R – 1963 : La pauvreté des nations. Paris, Cujas
Harvey D – 1973 : Urban systems and social justice. Londres, Arnold
Kayser B – 1973 : Le nouveau système des relations ville-campagne. Espaces et sociétés, 8
Lévy J et Lussault M – 2003 : Dictionnaire de géographie et de l’espace des sociétés. Belin
Lussault M – 2002 : L’action spatiale en géographie urbaine. Conférence à l’ENS-LSH, 14 février 2002. CR Yann Calbérac.
Reynaud A – 1981 : Société, espace et justice. PUF.
Santos M – 1975 : Espace et domination : une approche marxiste. Revue Internationale des Sciences Sociales ; vol XXVII, n° 2, Unesco, pp 368- 386
Santos M – 1975 : L’espace partagé : les deux circuits de l’économie urbaine en pays sous développés et leurs répercussions. Paris, M Th Genin.
[1] Cela me rappelle une communication intitulée « Méthodologie d’approche des déséquilibres régionaux » que j’ai faite aux 8° Journées Géographiques de l’AGT le 25 déc. 1981 portant sur « le déséquilibre régional », à l’ENS et dans laquelle j’ai esquissé la notion du coefficient de développement socio-économique à partir de 11 indicateurs. La réflexion a beaucoup évolué depuis.
[2] De Rosnay J – 1975 : Le macroscope, vers une vision globale. Seuil.
[3] Au niveau de l’économie urbaine, nous avons trouvé que le rapport entre la taille d’un centre urbain et celle de la population qu’il dessert est en moyenne de 3. Ce rapport correspond en fait à l’aire d’influence des services publics essentiellement (Belhedi A 1992).
[4] Dans le même cadre, les conseils locaux de développement ont été créés, ils sont composés par les élus locaux et les chefs de secteurs et les services locaux.
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